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Identité, transitions de carrière et burn-out du sportif de haut niveau.

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Le Champion d’aujourd’hui fait rêver…Il crée, avec beaucoup d’entraînement, son propre instrument : ce corps dont il dépend, à la fois si robuste et si fragile.

Autour du sportif de haut niveau, famille, entraîneurs, équipes médicales…organisent très tôt une galaxie aux motivations complexes, à laquelle se mêle l’attente des fédérations sportives, des médias, des sponsors et du public.

Dès lors, pour cet être humain extraordinaire, quelles relations peut-il nouer avec un entourage qui le veut « performant » avant tout ? Quel sens prend le mot « identité » si chacun n’est motivé que par son image ?

L’éloignement, le changement de d’environnement, de rythme de travail, la transition soudaine vers l’autonomie et le gain d’argent, le passage de l’anonymat amateur à la starisation du professionnalisme, les relations affectives, le vécu des blessures à répétition, les échecs, la pression des médias, les relations avec les entraîneurs, l’arrêt de carrière souvent vécu comme une « petite mort » chez les athlètes de haut niveau…Tant d’aléas dans les transitions de carrière de haut niveau qui ont des influences et répercussions potentielles sur son équilibre affectif, caractérisées par des crises identitaires, des difficultés émotionnelles, des variations d’estime de soi et de satisfaction de vie.

L’IDENTITE

La reconnaissance identitaire donne du sens à la compétence individuelle, elle est particulièrement remarquable dans le cas du record sportif (Exemple du sportif qui va ajouter son record personnel à la signature d’un autographe).

L’identité est la partie visible de la personnalité, cet iceberg constamment en mouvement.

Au moment des repos forcés (blessures), ou à la fin d’une carrière sportive, le retour à la « vie normale » peut rimer avec incompréhension, ou pis, indifférence par négligence. Cette non-reconnaissance de la carrière sportive est bien une mort sociale. L’accrochage au corps sportif est alors un sauve-qui-peut identitaire.

Pour le sportif, construire le sentiment d’exister revient à consolider le sentiment d’être vu. On passe à une succession d’états psychiques.

De cette manière, on peut saisir la notion d’une identité zappée du champion, d’une personnalité virtuelle.

Il convient alors à être vigilent, le plus tôt possible, aux différents conflits identitaires auxquels les sportifs de haut niveau peuvent être confrontés afin d’éviter des situations qui peuvent être graves à la fin de leur carrière (exemple de Pierre Quinon, champion olympique de saut à la perche aux JO de Los Angeles 1984 qui s’est suicidé en 2011 à la suite d’une grosse dépression).

Dans le cas où le sportif de haut niveau s’identifie lui-même comme « le meilleur performeur de …. » alors cette abnégation risque fortement d’être un frein pour la globalité de son propre épanouissement : il se sent condamné soit à exister à travers cette mission, soit à ne pas exister tout court…A la fin de sa carrière, il risque fort d’avoir l’impression d’être vide de tout projet ou désirs personnels. Cela pose l’indication d’une rééducation narcissique dans le suivi de la reconversion des sportifs.

Longtemps cantonné à la seule considération du sportif de haut niveau, le champ de l’optimisation de la performance considère désormais comme incontournable la prise en compte de l’équilibre de vie et de son influence sur la balance affective.

Autre point à évoquer, l’entraîneur aura un rôle non négligeable dans la construction identitaire d’un sportif de haut niveau. Souvent jugés par les titres remportés par ses athlètes ou par les victoires acquises (atteinte des objectifs de résultats), les entraîneurs pourront pratiquer toute sorte de potentielles dérives, comme le fait de pousser les sportifs au-delà du seuil de la douleur, ou celui encore de pratiquer un encadrement autoritariste afin « d’endiguer toute velléité d’attendrissement, comme pour prévenir des faiblesses » (exemple typique dans le rugby, exemple de l’entraîneur Philippe LUCAS). Cette recherche, parfois irréaliste, de perfection et d’atteinte d’objectifs amène à accepter, et à faire insidieusement accepter au sportif, des pratiques d’entraînement et de préparation nécessitant de repousser ses propres limites, à l’image du phénomène de surcompensation (scientifiquement approuvé et très recherché pour l’atteinte des pics de forme).

Ces comportements parfois inadaptés et/ou incontrôlés, processus fréquemment observés chez les entraîneurs en sports collectifs, démontrent que ces derniers peuvent parfois oublier que l’identité de « sportif de haut niveau » ne devrait pas prévaloir sur celle « d’individu ».

Cela nous permet de comprendre que ces manques à l’éthique nuisent non seulement à l’intégrité morale, voire parfois physique de « l’individu », mais également, in fine, à la qualité des relations entraîneur / sportif, et donc, à la performance.

L’ARRÊT DE CARRIERE : UNE DECISION DECHIRANTE

« Je suis mort le 23 mai 2010, le jour de mon dernier match de rugby ». Lorsque P.Fitzgerald évoque la dernière transition de carrière de joueur de rugby, il met en avant les difficultés affectives rencontrées lors de cette étape que l’on appelle la reconversion.

« Je suis mort aujourd’hui, à 32 ans ». Michel Platini à l’annonce de sa retraite sportive en 1987.

Aussi est-il important de rappeler que le vécu émotionnel des sportifs de haut niveau est difficilement comparable à celui d’un individu lambda. En effet, ils vivent des expériences émotionnellement intenses à répétition et évoluent à la lumière des médias. Cette projection médiatique renforce par ailleurs les processus identitaires au travers d’une reconnaissance publique de leur identité de sportif professionnel. L’arrêt de carrière signifie non seulement l’arrêt de privilèges, mais également (et surtout ?) un changement identitaire. Ainsi, le sportif de haut niveau perd très rapidement la reconnaissance sociale, tombe très vite dans l’anonymat et doit faire face aux mêmes règles que tous. Ce changement peut ainsi perturber l’équilibre affectif du sportif et nécessite que ce dernier y soit préparé…comme pour une compétition. D’où l’importance, dès le début de carrière, de travailler sur « l’identité du sportif » et établir des plans de reconversion d’après carrière.

L’arrêt de carrière marque très rapidement une coupure à sa vie sociale, et s’associe très souvent à une sensation d’isolement, de solitude. Dépression, comportements addictifs, violence, divorce, inadaptation sociale et professionnelle sont autant de conséquences psychologiques qu’induit l’absence d’anticipation et d’accompagnement du sportif de haut niveau.

L’arrêt de carrière, forcée ou non, est souvent assimilée à une « petite mort ». C’est aussi quelque part, quitter un monde où l’on se sentait en sécurité pour celui où règnent des codes qui sont parfois inconnus des sportifs.

L’accompagnement « d’après-carrière » est un enjeu fort dans le monde sportif. Mais là où la performance économique prend parfois, malheureusement, le dessus sur la « performance sociale », quelles sont les réelles actions / préoccupations des structures (qui payent les sportifs) pour accompagner les sportifs de haut niveau dans leur reconversion et éviter leur déclin dès leur retour dans le « monde réel » ?

LE BURN-OUT DU SPORTIF

Au regard des exigences et des contraintes liées à la pratique de haut niveau, la notion d’équilibre affectif de l’athlète (bien-être, équilibre de vie, balance affective, épanouissement…) apparaît désormais incontournable dans la recherche de la performance.

Néanmoins, il semble que cette dimension reste encore une préoccupation secondaire dans l’approche de l’optimisation de la performance, à l’image des choix fréquents d’études des jeunes sportifs de haut niveau ou d’orientations professionnelles optées pour leur emploi du temps très léger, laissant la disponibilité nécessaire de se consacrer quasi-exclusivement au projet sportif, plutôt que répondant à une préférence réelle du sportif dans sa préparation à l’avenir…

Et que dire du stress du sportif de haut niveau en fin de contrat avec ses sponsors, ou bien encore des stress organisationnels subis par les sportifs professionnels constamment sollicités sur leur temps de récupération hebdomadaires pour participer à des événements e communication ? Les exemples sont nombreux pour illustrer ce qui nuit fréquemment à l’équilibre affectif du sportif de haut niveau d’aujourd’hui.

L’investissement sportif de haut niveau se structure entre l’illusion de toute-puissance :

On distingue la « saine fatigue », qui est du registre du plaisir. Elle est d’autant plus intouchable qu’elle témoigne, comme la bonne douleur, de la qualité de l’engagement. Fatigue et douleur, retournées positivement, constituent un cocon protecteur qui permet au sportif de se désengager sans pour autant se couper du mal-être provoqué par les simulations excessives dans lesquelles il baigne.

Et il y a cette fatigue tout court : cet état de non-sensation donne mauvaise conscience. C’est un échec de l’effort de devenir cet idéal performant convoité par défaut d’adaptation aux cadences de travail musculaire et à la surcharge des sollicitations psychosensorielles. La honte de n’être que soi surgit : « J’ai un énorme potentiel que je ne peux exprimer…J’ai beau forcer…ça m’épuise ».

Conscient de sa fatigue, le sportif se retrouve brutalement seul, face à la difficile reprise du processus de son adolescence, en dehors de tout garde-fou : trop âgé pour retourner dans le giron de ses parents, il est refoulé par la protection de la famille sportive et déconnecté des réseaux de reconnaissance socioprofessionnels. De manière réactionnelle à ce sentiment d’abandon insupportable, cette fatigue, jusqu’alors du registre de la vigilance (baisse d’attention…), va rejoindre les expressions des troubles de l’humeur, en particulier ceux de la dépression et les manifestations du stress dans le registre de l’anxiété.

Un cran de plus dans la progression de l’effort et la relation du sujet à sa fatigue s’inverse. D’abord révélatrice du plaisir à fonctionner, elle apparaît ensuite comme une limite donnée à la constitution du néocorps. La fatigue s’impose au sujet, c’est le syndrome de surentraînement : manifestations physiques et psychiques d’un épuisement des capacités d’adaptation à l’effort physique. Ces signes, qui se situent au-delà de la fatigue, agissent comme un signal d’alarme.

Mais l’épuisement de l’athlète n’est pas toujours seulement physique. En sport de haut niveau, la composante psychologique joue également un rôle fondamental dans la capacité de l’athlète à s’investir à l’entraînement, à exprimer tout son talent en compétition, et à rebondir face aux difficultés rencontrées, voire aux échecs. Dans ces conditions, la saturation psychologique peut tout autant nuire à la bonne préparation de l’athlète que son épuisement physique. Il importe donc pour l’entraîneur de distinguer ce qui relève du surentraînement de ce qui relève d’une forme de saturation tant psychique que physique que les anglo-saxons désignent sous le terme de « burnout » signifiant littéralement que le sportif est « brûlé ».

Le burn-out est caractérisé par un état d’épuisement physique et émotionnel intense, une diminution de l’accomplissement et une dévalorisation du sport. S’il trouve ses origines dans la sphère motivationnelle, le burn-out est également la conséquence d’un stress prolongé sans récupération (émotionnelle) adéquate, mais également d’une « identité sportive » exclusive et d’un sentiment de manque d’autonomie.

Perte de motivation, sentiment d’impuissance, humeur dépressive, retrait social, abandon, affaiblissement des capacités physiques, fin de carrière…sont tout autant d’illustrations des conséquences dévastatrices d’un burn-out sportif.

Tout comme l’anticipation de la reconversion d’un sportif de haut niveau, il semble indispensable d’anticiper ce phénomène de burn-out de plus en plus fréquemment observé dans le sport professionnel. Il est fortement recommandé de mettre en place une surveillance au centre des préoccupations des clubs et structures d’entraînements en prévenant l’érosion des motivations, en permettant la conciliation avec le double projet du sportif et la considération de sa vie personnelle.

Il est intéressant d’aborder les circonstances qui permettent de révéler la fatigue chez le sportif de haut niveau. Elles peuvent être rassemblées autour de la notion de désillusion et de celle de passage à l’acte.

LA PROBLEMATIQUE DE DESILLUSION

Dans la plupart des cas, elle correspond à une incapacité à assurer le projet sportif. Les prétextes évoqués le plus souvent sont :

  • soit le projet sportif de l’athlète est dépassé par rapport à celui de l’entraîneur pour son athlète,
  • soit survient une immobilisation après un accident,
  • soit une contre-performance ou un échec à une sélection viennent d’avoir lieu,
  • soit les inévitables contraintes deviennent intolérables, en particulier par l’accélération du rythme du calendrier compétitif à mesure que la performance augmente. Cette situation d’exigence insatiable est responsable d’une réduction du temps de récupération et d’une augmentation du phénomène de l’anticipation anxieuse préjudiciables au sportif.

La désillusion peut aussi être due à la nécessité de modifier une orientation sportive, par exemple lorsque que de jeunes athlètes se retrouvent dans des centres d’entraînement, coupés de leur famille et de leurs amis. Ils découvrent de nouvelles contraintes, physiques et psychiques, auxquelles il leur faut s’adapter. Ils le vivent alors comme vide de sens et de plaisir.

La famille tient un rôle qu’on ne peut ignorer dans la carrière du futur champion. Le soutien familial paraît compter pour beaucoup, et de façon favorable, dans l’obtention des résultats. Les athlètes ont besoin d’être encouragés par leurs parents qui, en général, manifestent une grande ouverture à l’égard de la pratique sportive de haut niveau.

Certains athlètes ont une famille plus distante (raisons géographiques, désintérêt ou méconnaissance du monde sportif), voire absente. Ils vivent alors cet investissement sportif de haut niveau comme une sorte d’abandon de la part de leurs proches, ce qui peut entraîner chez eux un sentiment dépressif.

LE PASSAGE A L’ACTE

La dépression chez le sportif de haut niveau peut s’exprimer aussi par des passages à l’acte qui mettent en échec le projet sportif :

  • Le passage à l’acte auto-agressif : troubles du comportement alimentaire et les auto-agressions. Derrière de nombreuses blessures se cache un mal psychique, comme si le corps lançait des appels au secours (« je me claque car j’ai peur de pas être à la hauteur », « je me mutile par ce que je dois me punir de quelque chose »…)
  • Le passage à l’acte peut aussi prendre la forme d’une incapacité à monter sur la scène au moment des compétitions

En conclusion, afin d’éviter des phénomènes de crises identitaires, burn-out ou de fin de carrière précoce, il semble fondamental d’accompagner un sportif de haut niveau tout au long de sa carrière en favorisant la mise en place d’un double-projet, en anticipant la reconversion d’après carrière et en ne négligeant pas la notion d’équilibre affectif (bien-être épanouissement…).

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